Joan R.

J’avais 4 ans quand mes parents, ma grande sœur Pilar
(onze ans) et moi avons franchi la frontière, quelques valises
en carton à la main et un travail pour papa qui était plombier.
C’était en 58. Franco venait d’ouvrir les frontières.
Papa et Maman n’en pouvaient plus de vivre dans la loge
de concierge de yaya, Carre alt de San Pedro.
Sans lumière, sans intimité…
Et comme j’allais être scolarisé l’année suivante, seul
garçon… c’était le moment de choisir.
Un oncle (de la retirada) lui a trouvé un boulot.

Et nous voilà à Bressols (4 km de Montauban).
Le catalan parlé dans la famille, rejeté à l’école où j’ai fait
toutes les fautes qu’on imagine en « Espagnol ».
Rejeté par les autres immigrés « espagnols » puisque pas
« politique » et pas « espagnol ».

Il m’a fallu l’adolescence, mai 68, Andreu Nin, l’Espoir de
Malraux, les anarchistes, puis enfin l’Estaca, pour
comprendre que la Catalogne était une nation, les Catalans
un peuple et la langue de ma famille autre chose que le
patois dont l’accusait le prof d’espagnol…

Mais jusqu’en 68 (l’année où mes parents ont obtenu la
naturalisation, au bout de dix ans de présence), la politique
était moralement interdite, même l’expression l’était
(un immigré, ça ne fait pas de vagues).
En vacances, en famille, j’étais « francès », ici, j’ai longtemps
eu honte de mes origines.

C’est ma rencontre avec Lluís Llach qui m’a fait transcender
mes racines, m’a permis de les rechercher et les faire
rejoindre mes aspirations à l’universel.

Merci encore Lluís.
Joan R.

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